L’Observatoire Cetelem de l’Automobile, qui se distingue par ses études sur le marché, a publié récemment une enquête européenne sur le véhicule électrique. On peut l'interpréter comme le verre à moitié vide, ou à moitié plein. Je propose d’y revenir pour faire le tour des points de blocage, un an après le lancement des premiers modèles en France, et alors que Renault vient de lancer les deux premiers modèles de sa gamme ZE. Les points qui posent problème sont, sans surprise, le coût, l’autonomie insuffisante, mais aussi le temps de recharge et l’absence de prises.
Le premier point concerne donc le prix. S’il y a un effort financier à consentir, les Européens seraient tout au plus prêts à payer 30 % plus cher par rapport à la valeur d’un véhicule thermique. Le problème, c’est que le surcoût est bien plus important (deux à trois fois le prix par rapport à un modèle thermique). D’autre part, les consommateurs raisonnent par rapport au prix facial. Ils ne font pas le bilan des coûts d’utilisation (forcément moins élevés pour un véhicule électrique pour le carburant, mais aussi l’assurance et l’entretien). Le cochon de client n’est pas très familier avec le TCO (Total Cost of Ownership), contrairement aux entreprises. Mais, ce n’est pas tout.
L’étude Cetelem montre également que les européens, et en particulier les français, rejettent le mode de location des batteries. C’est pourtant la parade (déjà expérimentée dans le passé par PSA) qu’avait trouvée Renault pour lisser le prix de la voiture électrique, en dissociant le prix du véhicule et celui de la batterie, proposé sous la forme d’une mensualité (en fonction de la durée et du nombre de km). Pourquoi un tel refus ? Certains sont très attachés à la notion de propriété. D’autres mettent en avant le manque d’information, et donc de transparence, sur le système de location. L’étude montre, plus largement et de façon paradoxale, que la batterie en tant que solution technologique souffre d’un déficit de fiabilité, qui pénalise n’importe quelle solution lorsqu’elle est isolée commercialement.
Venons-en à l’autonomie. Cetelem rappelle qu’avec un kilo d’essence, on parcourt 25 km, contre seulement 0,4 km en véhicule électrique. Et, même si le rayon d’action a été doublé par rapport aux précédentes générations de batteries, ce n’est pas suffisant. Ainsi, 55 % des Européens n’envisagent pas l’achat d’une voiture électrique si l’autonomie n’est pas d’au moins 250 km. Or, pour le moment, seul Bolloré en est capable sur le papier avec sa Bluecar. Les autres constructeurs oscillent entre 130 et 160 km (175 km homologués pour la Nissan Leaf), et encore ce chiffre reste très théorique car très variable selon le style de conduite et le type de parcours. Sur cette question de l’autonomie, Allemands et Français sont pour une fois d’accord et se montrent clairement les plus exigeants (70 et 71 %).
Bien sûr, on peut toujours rétorquer que 82 % des Européens font moins de 100 km par jour. Ils sont même 45 % à rouler moins de 30 km par jour. Ces chiffres n’ont d’ailleurs guère changé en 20 ans. Mais, le rayon d’action limité est anxiogène, d’autant qu’il faut composer avec le temps de recharge. A ce propos, si un tiers des Européens n’a ainsi aucune idée du temps qu’il faut pour la recharger, un sur deux réclame une batterie complètement rechargeable en moins de 2 heures. Là encore, c’est un voeu pieu puisque, selon la puissance délivrée et le type de prise, il faut compter actuellement entre 7 h 30 et 11 heures pour une recharge à 100 %.
Le dernier point, qui est lié à tous les autres, concerne l’infrastructure de recharge. Seule la mise en place massive de bornes de recharge rapide pourrait être de nature à rassurer les automobilistes. 90 % des personnes interrogées les réclament et 59 % estiment qu’elles sont indispensables. La conclusion de tout cela ? L’étude de l’Observatoire Cetelem indique tout simplement que, malgré un réel attrait pour le produit (surtout quand les sondés ont eu l’occasion de faire un essai), les clients ne sont pas encore prêts à faire le saut. Ignorant les plans marketing de certaines marques, les français comme les européens n’envisagent pas d’acheter un véhicule avec lequel ils ne peuvent pas partir en vacances. Les constructeurs vont devoir déployer d’énormes efforts en termes de pédagogie et compenser, en attendant un hypothétique décollage de la demande pour le grand public, avec une clientèle de professionnels.
*Cette édition est consacrée à une analyse approfondie de la voiture électrique et des attentes des Européens en la matière. L’étude a été menée dans 10 grands pays européens : Allemagne, Espagne, France, Italie, Portugal, Grande-Bretagne, Belgique,Pologne, Russie et Turquie. Menée avec le BIPE et TNS Sofres, elle a été réalisée durant l’automne 2011, auprès d’un échantillon de 6 000 personnes.
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