La génération 964 avait apporté bon nombre d'améliorations à la 911 originelle mais Porsche se devait d'aller encore plus loin pour pérenniser la légende. Ce fut chose faite avec la génération 993, encore considérée aujourd'hui comme la meilleure jamais produite. La nouvelle 911 fut révélée à la presse en août 1993 et présentée officiellement au public au salon de Francfort, un mois plus tard. Une décennie plus tard (déjà !), voici le récit d'une évolution très aboutie de la plus emblématique des voitures de sport, la Porsche 911.
DESIGN
Criant à l'infamie, les fervents défenseurs de la 911 n'avaient pourtant pas réservé à la 993 un accueil très chaleureux au travail de l'équipe de design dirigée par Harm Lagaay. La raison ? Tout bonnement l'écrasement des ailes avant, caractéristiques de la ligne originelle datant des années soixante. Dans ses formes, la nouvelle 911 s'est en effet adoucie. Son visage plus lisse, plus incliné, conservant toutefois les traditionnels phares ronds, les "yeux de grenouille", fait des concessions à l'aérodynamique, comme l'avait fait avant elle la 959. Un travail effectué dans le moindre détail avec de nouvelles poignées de portes et des rétroviseurs "cup" montés en série. Le Cx de la 993 Carrera est de 0,33 malgré un élargissement sensible de la caisse (+83 mm). Car malgré les apparences, la voiture est nouvelle à 80%. Cependant, bien plus que les nouvelles jantes (17" livré en série en France contre 16" en Allemagne) la première source de réconfort pour les 911istes est aussi, de l'avis de beaucoup, une allure plus sexy que la 964 grâce aux ailes arrière galbées, évoquant le fameux Turbo-look si apprécié sur les précédentes générations. Apparue en août 1996, la "Carrera S" pousse cet effet à son paroxysme avec des formes d'une sensualité... presque érotique ! En effet, cette dernière dispose en bonne partie du "turbo-look" enfilé un an plus tôt par la Carrera 4S, ce qui fait au passage descendre son Cx à 0,34. On retrouve ainsi le spoiler et les bas de caisse plus sportifs et une hauteur de caisse abaissée (voir CHASSIS) par rapport à une Carrera "normale". Une façon de mettre plus en valeur les jantes à 5 branches (creuses) de 18" livrées en série sur le marché français. Enfin, la belle, disponible uniquement en coupé, est frappée du blason "Carrera S" sous une grille de capot moteur spécifique, en deux parties comme sur la 356 (nostalgie, quand tu nous tiens...). Notez que toutes les Carrera 2 et S sont reconnaissables, sauf modification du propriétaire, à leurs clignotants oranges, à l'avant et l'arrière, alors qu'ils sont blanc sur les versions 4 roues motrices. A l'intérieur, pas de révolution esthétique, quelle que soit la version, on retrouve une planche de bord qui a peu évolué dans son design depuis la 901. La clé de contact est toujours à gauche du volant et la répartition des cinq cadrans devant les yeux du pilote reste fidèle à l'idée de départ. Toutefois, en y regardant de plus près, on découvre que les différents interrupteurs sur la planche de bord et la console centrale ont été re-positionnés plus intelligemment. Le volant avec airbag redessiné est aussi plus agréable en main et à l'oeil mais en l'absence de réglages, il ne permet pas d'obtenir une position de conduite parfaite. Véritable révolution, on dispose désormais d'un éclairage performant grâce aux nouveaux phares, et d'un très efficace double essuie-glaces positionné au centre du pare-brise (un peu gênant d'ailleurs). De plus, la finition et la qualité des matériaux est exceptionnelle. Elles résistent formidablement à l'épreuve du temps et des modes. Un peu avare en équipements à ses débuts, la 993 Carrera va s'enrichir au gré des millésimes. Au lancement, seul le coupé 911 va être disponible. En mars 1994, c'est au tour du cabriolet de rejoindre la gamme 911 Carrera, puis en 1995, la Carrera renoue avec la tradition du Targa. Elle est équipée de jantes spécifiques en 17" (en France) et innove avec un toit ouvrant panoramique coulissant en verre. Ce concept, très pratique, procure une luminosité exceptionnelle dans l'habitacle. Plus rigide que par le passé, le Targa se situe toujours à mi-chemin du cabriolet et du coupé. La Carrera poursuivra ensuite sa carrière sans évolution esthétique notable jusqu'à l'arrêt du modèle en 1998.
LE MOTEUR
Le moteur de la 993 Carrera est en fait une évolution du bloc de la 964 Carrera RS dont le vilebrequin, les pistons, les bielles et les soupapes avaient été renforcés. L'intérieur du bloc moteur est protégé par une couche de Nikasil apposée par galvanisation. La lubrification est assurée par carter sec, avec un réservoir d'huile placé devant la roue arrière. L'huile est refroidie par un radiateur (avec ventilateur) situé à l'avant de la voiture lorsque la température dépasse les 87 C. Autre spécificité de ce 3L6, on retrouve sur chaque cylindre le système de double allumage (qui avait posé quelques soucis aux débuts de la 964) et un rattrapage de jeu de soupapes hydraulique. L'allumage et l'injection séquentielle multipoint sont gérés par un boîtier électronique Bosch Motronic 2.10. Par ailleurs, le double échappement catalytique est entièrement nouveau. Dans sa première version, le moteur de la 993 Carrera 2 (type M64/05 pour le millésime 94 et M64/06 pour le millésime 95) développe 272 ch à 6 100 tr/mn et un couple maxi de 330 Nm à 5 000 tr/mn. Ce moteur peut s'accoupler au choix avec la nouvelle boîte de vitesse manuelle Getrag G50 ou avec la boîte automatique Tiptronic, puis Tiptronic S (à commande au volant) à partir de 1994. La plus répandue est sans conteste la transmission à commande manuelle qui inaugure un sixième rapport destiné à diminuer la consommation et de ce fait, la pollution, principal handicap du moteur refroidi par air. Sans conséquence sur le poids de l'auto, elle est aussi légère et compacte que la boîte 5 grâce à des parois amincies. Dès 1995, un nouvel embrayage à commande hydraulique fait son apparition rendant encore plus aisé le passage des rapports. En août 95 également, la 993 Carrera 2 connaît sa première évolution de puissance qui grimpe à 285 ch à 6100 tr/mn pour un couple de 340 Nm à 5250 tr/mn (moteur type M64 21/22/23/24). On peut reconnaître extérieurement ces versions à leur sortie d'échappement plus rectangulaires. Les 13 chevaux gagnés sont essentiellement dus à l'apport du Varioram, système breveté par Porsche agissant sur la longueur des tubulures d'admission selon le régime moteur. A 4850 et au-dessus de 5840 tr/mn, la gestion électronique adapte l'admission en sélectionnant le conduit idéal pour le régime courant et en contrôlant un clapet modifiant la résonance. L'intérêt est de générer un accord quasi-optimal des ondes générées par les flux d'air et de rendre le taux de remplissage optimal sur une plus large plage. On peut d'ailleurs noter que Porsche s'est débarrassé du VarioRam sur la 996, préférant moduler les volumes de plénum pour lisser la courbe de couple (Variocam). Au millésime 97 (Août 96), la boîte 6 aux rapports plus longs (type G50/20) de la version US est accouplée au moteur et équipe d'emblée toutes les Carrera. En 1997 toujours, l'ultime évolution de la Carrera 2 et Carrera S prend la forme d'un moteur plus puissant (option x51). Il s'agit du moteur 3.8 L (type M64/21S, 300 ch à 6500 tr/mn, 36,2 mkg à 5400 tr/mn) apparu sur la 964 Carrera RS et équipant la 993 Carrera Supercup et la RS de 95.
LE CHASSIS
La génération 993 apporte une véritable évolution au niveau des trains roulants et du comportement dynamique de la Porsche 911. Le train arrière baptisé LSA à quatre bras (ou plus exactement 5, si l'on compte le bras de parallélisme), constitue la véritable nouveauté introduite sur ce modèle concernant le châssis. Inspiré du fameux essieu Weissach de la 928, il comprend également un berceau auxiliaire composé d'un cadre d'aluminium. Ce nouveau concept participe activement à la qualité du comportement. Par ailleurs, à l'avant on retrouve le traditionnel essieu McPherson avec des jambes et des triangles en alliage léger. La 993 se distingue ainsi de ses aînées par une direction plus précise et douce qu'auparavant. Le déport négatif de 11,5 mm à l'avant permet d'améliorer la tenue de cap et la stabilité au freinage. Mais venons-en directement au sujet qui fâche, à savoir la sensibilité constatée des réglages de ce fameux train avant qui ont tendance à parfois "évoluer" avec les kilomètres. Du coup, on peut se retrouver avec un comportement qui se rapproche plus sensiblement du caractère typique de la 911 avec un train avant qui semble chercher sa route. Rien de dangereux mais plutôt désagréable. Toutefois, il est important de préciser que ce phénomène ne concerne pas tous les modèles et qu'il n'a pas été constaté par l'ensemble des propriétaires. Côté suspension, les amortisseurs bi-tubes à gaz ont une loi d'amortissement dégressive et, en option, la Carrera peut disposer de l'option châssis sport équipant en série la "S" ainsi que de l'ABD (Automatic Brake Differential). Relié directement aux capteurs de l'ABS, cet antipatinage électronique agit directement sur la ou les roues qui perdent de la motricité en les freinant. Cette assistance n'intervient que jusqu'à 70 Km/h. Livrée avec des jantes de 16" en Allemagne, la Carrera fut livrée chez nous avec les jantes 17" qu'on lui connaît et la Carrera S eut également droit à la surmonte 18" (celles de la Turbo) en série chez nous. Il est important de préciser à ce sujet que, contrairement à la Carrera 4S qui reprenait intégralement le châssis de la Turbo, la Carrera "2S" conservait celui de la Carrera normale, à l'exception des amortisseurs plus fermes et des ressorts abaissés de 10mm à l'avant et 20 mm à l'arrière (option châssis sport). Pourtant, une option châssis sport plus radicale encore (-30 mm) demeurait au catalogue de la S. Autre conséquence, le montage des jantes de 18" imposa d'intercaler des entretoises de 30 mm pour compenser une largeur de voie inférieure à celle de la Turbo. Ce qui au final, permet de constater et relativiser l'intérêt de la Carrera S face à la Carrera standard... d'autant plus que les performances sont en retrait à puissance égale (285 ch) à cause du surpoids de 30 Kg. Fidèle à la tradition de Zuffenhausen, la 993 profite d'un freinage puissant et endurant comprenant 4 disques percés et ventilés, de 304 et 299 mm de diamètre, respectivement à l'avant et l'arrière, pincés par des étriers (noirs) à 4 pistons. La Carrera S conserve entièrement ce dispositif, tandis que la Carrera 4S dispose, elle encore, du freinage surdimensionné de la turbo.
ACHETER UNE PORSCHE 911 (993) Carrera / Carrera S
Valeur sûre du marché de l'occasion, la Porsche 911 type 993 a gardé une cote soutenue durant toute sa carrière et, plus encore, durant celle de la 996. A cela, plusieurs raisons, dont la principale est de représenter l'aboutissement de la 911 refroidie par air. Une race désormais éteinte et sur laquelle se sont jetés les puristes jusqu'à la déraison, surtout que l'auto n'est pas vraiment rare sur nos routes. Il est est pourtant fréquent de trouver certaines 996 Carrera 2 à vendre moins chères que des 993, notamment les Carrera "S" dont les cours, un peu démesurés au regard de ses différences techniques avec la Carrera, semblent un peu revenir à la normale. La sortie de la 997, très appréciée, n'y est sans doute pas étrangère, l'avenir nous le dira. Quoi qu'il en soit, il est encore assez difficile de trouver une belle 993 Carrera 2 (état parfait) à moins de 40000 euros alors qu'une 911 S s'échange pour environ 45-50 000 euros. Une différence que la "S" doit à sa ligne sublime qui suscite un désir toujours aussi irrésistible... Selon les options, le prix peut varier significativement, mais seul le châssis sport s'avère indispensable si vous souhaitez tourner un peu sur circuit. Par ailleurs, les cours élevés de la 911 type 993 peuvent trouver une justification partielle dans l'excellente fiabilité du modèle qui semble bien parti pour devenir tout aussi robuste que le sont les Carrera 3.2L dont elle est la digne descendante. Après une première décennie écoulée et le cap des 100 000 km franchit par de nombreux modèles, les seuls défauts relevés à l'encontre de la 993 concernent surtout une sensibilité des réglages du train avant et des biellettes de direction. L'aileron peut aussi créer quelques soucis et se mettre à grincer. Le toit des versions Targa ne tolère, lui, aucun jeu pour son étanchéité. Le cabriolet se distingue par sa bonne rigidité et sa capote de qualité, il permet de profiter pleinement du son du flat six et de sa souplesse. Des fuites au joint spi de boîte sont connues ainsi que des débuts de corrosion autour du pare-brise. Pour le reste, cette Porsche est capable de vous emmener loin et vite sans réclamer le budget d'entretien de certaines belles italiennes notamment... Un atout indéniable au royaume des sportives d'exception que bien peu sont capables d'offrir réellement comme la 911.
CONCLUSION
Valeur sûre, la Porsche 911 type 993 est promise à un bel avenir en collection. Constituant un excellent achat en occasion, elle fait cependant encore cher payer ses qualités, notamment la très sexy Carrera S qui se revend au prix fort en jouant de son charme naturel.
CHRONOLOGIE
- 1993 : Septembre, présentation au salon de Francfort de la Porsche 911 type 993.
- 1994 : Présenté en février, le cabriolet est disponible dès le printemps. Août, la nouvelle transmission "Tiptronic S" à 4 rapports dispose de commandes au volant.
- 1995 : Août, évolution majeure de toute la gamme, la puissance passe à 285 ch. On se félicite également du retour de la Targa, présentée à Francfort en septembre.
- 1996 : Août, la Carrera 2 dispose de sa version "S". Apparition en fin d'année du kit moteur x51 pour la Carrera S (moteur 3.8 L 300 ch de la RS).
- 1997 : Fin de production du coupé en juillet et de la Carrera S en décembre ainsi que du cabriolet.
- 1998 : Le targa continue seul jusqu'en mars.
BIEN
Esthétique séduisante (surtout la S !) Moteur sportif et mélodieux Freinage en béton Fiabilité de bonne augure Grand choix de qualité en occasion |
PAS BIEN
Cote très élevée (surtout la S...) Train avant sensible aux réglages Faiblesse du moteur d'aileron |