Lorsque l’on évoque les Triumph GT6, tous les amateurs de voitures de sport, pensent immanquablement aux Triumph Spitfire GT engagées aux 24 Heures du Mans de 1964 et 65. Mais contrairement aux apparences, ce sont ces Spit’ de course qui ont repris le toit fastback du projet GT6 et non l’inverse. En effet, c’est au cours de l’hiver 1962-1963 que Harry Webster, le directeur technique de Triumph demande au designer italien Michelloti de réaliser un proto de Spitfire “coupé”. Une fois le prototype présenté et accueilli avec succès par les dirigeants de Coventry, il deviendra le premier prototype X691 qui servira de base au développement de la future Triumph GT6. Les ingénieurs vont devoir en revanche trouver une solution pour répondre à la faible puissance du quatre cylindre de la Spitfire déjà commercialisée (63 ch seulement) et à l’augmentation du poids de la version fermée. Puisque la Triumph Vitesse avait déjà adopté un six en ligne sur la base de l’Herald, les ingénieurs vont fort logiquement appliquer la même recette pour la future GT6. Mais pour offrir suffisamment de performances, et aussi différencier le positionnement de la GT6 par rapport à la Spitfire, le six en ligne passe de 1,6 à 2 litres de cylindrée. Après quelques mois de gestation et seulement trois prototypes réalisés, Triumph dévoile au salon de Paris et de Londres en 1966 la première génération de GT6 Mk1. Il était temps, MG avait déjà présenté depuis un an déjà sa MGB GT...
Une ligne vraiment sympa
La grande particularité de la Triumph GT6 est évidemment sa ligne fast back très sportive et séduisante. Cela transfigure le dessin et look de la Spitfire. Le styliste Michelloti comme nous l’avons vu plus haut, étant responsable du dessin de la “Spit’” et de la GT6, l’intégration du toit nous semble donc particulièrement heureuse. Par rapport à la GT6 Mk1, la Mk2 ou les GT6+ (comme ce très bel exemplaire qui illustre ce dossier), possèdent un pare-chocs avant positionné plus haut supprimant ainsi la calandre creusée et assez volumineuse des Mk1. Le capot avant est toujours doté de son bossage pour pouvoir abriter le six en ligne et ses carbus. Le lettrage “ TRIUMPH “ sur le capot avant a disparu au profit d’un écusson rectangulaire portant l’inscription “ GT6 Mk2 “ ou “ GT6+ “ plus moderne.
Afin de donner plus d’air frais à la mécanique le capot est doté de prises d’air sur le dessus au niveau de la base du pare-brise, mais aussi sur les flancs. Petite et basse, la Triumph GT6 offre un gabarit devenu rare sur nos routes encombrées de monospaces et berlines joufflues. De nombreux accessoires datent l’auto avec de nombreuses touches de chromes (entourages de portes, pare-brise, pare-chocs, poignée de portes...). Pas de doute, l’esprit sixties et petites voitures de sport anglaises est là et le charme opère. Avec ses deux grands phares ronds devant, la GT6 offre un faciès amusant et à la bonhomie communicative.
Le profil ne souffre pas de l’intégration du toit, au contraire, et ainsi gréée, la GT6 semble vouloir se donner des airs de Jaguar Type E. Sur les Mk2 et GT6+, la poupe accroche le regard avec une finesse et des détails exquis : petits cabochons de feux positionnés en bout d’ailes, bouchon de réservoir alu type aviation. Superbe !
Un intérieur... artisanal !
Une fois la porte ouverte, et quelques mouvements aussi souples qu’élégants pour s’installer à bord, la première crainte est dissipée. Finalement, la place à bord est plus vaste et on ne souffre pas réellement de claustrophobie. La surface totale des vitrages et les faibles montants y sont certainement pour quelque chose. Bien installé dans les sièges recouverts de cuir, c’est un joyeux fouillis de compteurs Smiths qui s’étalent sous vos yeux, posés sur la planche de bord en bois.
Si la finition et présentation se veulent plus cossues et luxueuses que sur la cousine Spitfire, la GT6 possède cependant une finition encore artisanale. On sent que l’ergonomie était une notion encore inconnue de nos amis anglais et on se demande si ce n’est pas le hasard qui a disposé les commandes et autres infos. En effet, les boutons de commande de ventilation peuvent être maniés dans tous les sens, après quelques dizaines de kilomètres, il fera une chaleur étouffante dans l’habitacle, quoiqu’il arrive ! À part ce charmant détail, l’avantage de la GT6 par rapport à la Spitfire, est d’offrir un vaste coffre bien pratique qui permet de partir en week-end à deux, sans avoir recours aux valises étanches.
Un moteur bien présent !
Sous le long capot de la GT6 on retrouve une mécanique éprouvée. Bien dans la lignée des anglaises, la GT6 hérite donc du six en ligne de deux litres de cylindrée déjà étrenné sous le capot des berlines de la marque. Avec son bloc et sa culasse en fonte il n’est certes pas un modèle de légèreté, et tandis que les italiens donnaient dans le bel canto avec des doubles arbres à cames en tÍte, notamment chez Alfa Romeo, Triumph restait conservateur avec une distribution par chaîne et un arbre à cames latéral. L’alimentation est assurée par deux carburateurs Stromberg horizontaux 150 CD.
Si les premiers six en ligne Triumph étaient timides en puissance, la GT6 affiche fièrement 105 ch DIN à 5 300 tr/mn. Mais plus encore que la puissance pure, c’est le couple de 16,1 mkg dËs 3 000 tr/mn qui donne la tonalité à ce six en ligne. Une petite caisse légère, et un “ gros “ moteur coupleux, tel est le cocktail proposé par l’usine Triumph basée à Coventry. Pour animer cette symphonie en six majeur en ligne, une boîte de vitesses mécanique à quatre rapports avec la possibilité d’avoir un overdrive sur le 3e et 4e rapport comme notre modèle d’essai était montée de série. Sa précision ne souffre pas la critique et étonne même pour son époque, tandis que l’embrayage lui, est d’époque, comprenez assez ferme. Lorsque l’on démarre le petit 6-cylindres, c’est le coup de tonnerre ! L’auto semble si petite, et pourtant, dès ses premières vocalises elle n’hésite pas à donner de la voix. Elle nous rappelle en ce sens un peu la TVR 3000 M déjà essayée dans un précédent numéro. Ambiance bombardier britannique donc dès les premiers tours de roue qui fait hommage aux Spitfire qui furent décisifs dans la bataille d’Angleterre. Après quelques minutes, le temps que le moteur (et l’habitacle...) monte en température, il devient vite évident qu’un voyage au long cours risque d’être vite fatiguant pour les tympans et qu’un autoradio sera inutile !
Le moteur est réellement un digne représentant de sa Très Gracieuse Majesté, car passé 4 000 tours, il perd de sa superbe, passe du son rauque et évocateur à un grognement de supplice.
La montée dans les dernières rotations devient plus laborieuse et on passe du bombardier au tracteur... On sent bien à l’usage que son terrain de prédilection est la balade (rapide !) sur les petites routes de campagne en jouant sur le couple entre 2.500 et 4.000 tr/mn. Et malgré cette ambiance qui semble faire croire être à fond partout, le chrono n’est tout de même pas qu’une vue de l’esprit puisque le 0 à 100 km/h est franchi en moins de 12 secondes, une performance sportive en 1968. La vitesse maximale s’établit à près de 180 km/h, mais il faudra avoir un gros coeur pour aller titiller les limites de cette GT6.
Un châssis confortable
En bonne sportive des sixties, la Triumph GT6 est basée sur un cadre à caisson avec traverses sur lequel est greffé une caisse en acier. Par rapport à la Mk1, la grosse évolution concerne le train arrière qui est amélioré. Le système par ressorts à lames transversal avec demi arbres oscillants est remplacé par un système plus évolué : ressort transversal supérieur à lames, avec triangles inférieurs, tirants obliques, une barre stabilisatrice et des accouplements Rotoflex côté roue. Une évolution salutaire pour la tenue de cap et la rigueur du comportement routier.
N’allez pas croire cependant que la GT6 est une sportive ou une pistarde, loin de là. Son train avant souffre d’une certaine lourdeur, et d’une manière générale, le comportement s’il est équilibré, manque un peu de vivacité. Certes il est toujours possible de la faire glisser, mais on sent que ce n’est pas sa tasse de thé. Son freinage Girling avec disque à l’avant et tambours à l’arrière est d’époque dans son efficacité et il faut le garder à l’esprit dans le flot de la circulation moderne. De série les Mark 2 et GT6+ étaient équipées de jantes en tôle de 13 pouces, mais il était possible de mettre des jantes à rayon à l’aspect plus flatteur. Elles étaient montées avec des pneumatiques en 155 SR 13. La bonne surprise provient du confort. Il est de très bon niveau, bien mieux que l’appréhension que nous avions. Dommage que la chaleur dégagée par le moteur devienne si incommodante, surtout en été !
Acheter une Triumph GT6...
Sur des autos plutôt rares et méconnues, il est toujours délicat de donner une cote exacte pour une belle GT6. L’offre et la demande peuvent en effet faire varier les courbes de prix affichés. Sans trop se tromper il faut compter un budget d’environ 8 à 10.000 euros pour trouver un exemplaire en bon état. Le prix d'une petite voiture d'occasion actuelle. Mais au-delà de cette cote officielle, les très bons exemplaires s’échangent plus généralement entre 12 et 15.000 euros, tant l’offre est rare. Il vaut mieux opter pour un modèle qui possède tous ces accessoires et pièces d’origine en bon état, car si de nombreuses pièces sont interchangeables avec d’autres autos du catalogue Triumph (mécaniques similaires aux Triumph Vitesse et carrosserie/structure aux Spitfire), il existe quelques détails propres aux GT6 : capot avec bosse, porte avec déflecteur. Si toutes les pièces, y compris les spécifiques, sont disponibles grâce à la culture de la voiture ancienne qui sévit en Angleterre, les prix peuvent varier notamment pour les pièces propres aux GT6.
L’entretien d’une GT6 peut s’apparenter au rêve de tout mécano en herbe grâce à une accessibilité mécanique rare. Le six en ligne, fiable si bien entretenu (il peut dépasser largement les 100.000 km), réclame une vidange du moteur tous les 5.000 km ou tous les ans. La boîte de vitesses quant à elle, doit être vidangée tous les 15.000 km avec de l’huile EP 80/90. Comme sur beaucoup d’anciennes, il ne faut pas non plus négliger les points de graissages usuels (fusées avant, croisillons de cardans...). La vidange du pont n’est pas non plus superflue après achat, car elle est souvent oubliée. En bonne mécanique rustique et anglaise, le moteur devra conserver sa chaîne de distribution toute sa durée de vie, et les vis platinées devront être remplacées tous les 15.000 km. Si lors de votre phase de recherche le modèle convoité ne présente pas ce pedigree en entretien/réparation, il ne faudra pas hésiter à faire baisser le prix. A surveiller également lors de l’achat, les éventuelles traces de corrosion et/ou de chocs mal réparés. Une belle peinture récente peut parfois cacher la misère. A surveiller : les bas de caisse, planchers, bas d’ailes arrière et portes. Enfin, côté châssis, les silent-blocs et autres rotules s’usent assez rapidement et sont à contrôler régulièrement.
Conclusion
La Triumph GT6 Mk2, c’est la bonne surprise chez les anciennes sportives. On s’attendait, image omniprésente de la Spitfire oblige, à être en face d’une petite sportive anglaise peu confortable et spartiate. En réalité, c’est une vraie mini GT qui s’offre à vous pour des prix raisonnable et une fiabilité réelle. Avec ses performances suffisantes, ses sensations dignes d’un bombardier anglais et sa finition plus cossue, sans oublier la ligne d’une élégance sans pareille due au toit fastback, la Triumph GT6 mérite amplement que l’on s’y intéresse et rempli parfaitement son rôle : faire vibrer la passion automobile !
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