jeudi 26 janvier 2012

PPW 306R, suite.

Aux Bahamas en 1976, durant le tournage de "L’Espion qui m’aimait" (Lewis Gilbert, 1977) plusieurs coques de Lotus Esprit avaient été fournies par Lotus Cars et équipées de façon à simuler la conversion de l’Esprit en sous-marin, après son plongeon (tourné en Sardaigne). Chaque carrosserie fut utilisée pour un effet particulier mais une seule fut équipée pour ‘naviguer’ sous l’eau, motorisée mais non étanche (deux hommes grenouilles la pilotaient).



Pendant le tournage, fin janvier 1977, six mois avant la sortie du film (L'espion qui m'aimait sortira sur les écrans américains le 3 août 77) la voiture fut prêtée pour apparaître sur le stand Lotus d'un Salon de l’Auto de la côte Est (peut-être New York). La Lotus Esprit était la grande nouveauté de la marque et Lotus comptait le plus tôt possible profiter de l’impact publicitaire de son apparition dans un James Bond. C’est la société Perry, qui avait conçu le sous-marin en collaboration avec Lotus, qui fut chargée du transport et de l’explication des gadgets aux responsables du stand Lotus. C’est probablement sa seule apparition en dehors du film, dans son apparence originale. Dans le courrier ci-dessous daté du 31 janvier 77, (notez le splendide papier à en-tête !), la Location Manager du film, Golda Offenheim, qui se trouve aux Bahamas, répond au responsable de la concession Lotus pour l'est des USA et se réjouit que la Lotus sous-marine soit bien arrivée sur le salon de l'Auto. Après le salon, la Lotus amphibie retourna aux Bahamas.



Une autre carrosserie fut en grande partie utilisée pour les scènes de conversion, notamment l’escamotage des roues qui laissent place à des ailerons de direction, et pour la scène où l’Esprit lance une roquette contre l’hélicoptère Bell Jet Ranger 206 de Naomi.
Cette Esprit, ainsi qu'une autre (peut-être la version motorisée) existent encore aujourd‘hui. Elles étaient restées aux Bahamas après le tournage et connurent une retraite peu glorieuse jusqu’à ce qu’elles furent découvertes par Peter Nelson, le propriétaire du musée Cars of the Stars et du musée Bond Museum, la plus grande collection de véhicules Bondiens. Pourquoi ces voitures n’ont-elles pas été conservées par la production ou par Lotus après le tournage ? L’explication la plus courante est que Cubby Broccoli aurait promis de les céder à un grutier local, un certain M. Roberts, qui avait participé très efficacement au tournage, en guise de remerciements. Je me suis renseigné il y a plusieurs années : les voitures sous-marines appartenaient à Eon (c’est à dire Broccoli) et non à Lotus, contrairement aux deux Esprit de route. Cubby était donc libre d’en faire ce que bon lui semblait. Si elles avaient appartenu à Lotus Cars, nul doute qu’elles auraient été ramenées en Angleterre et conservées parfaitement.


Déjà connu pour être un spécialiste des voitures de Bond, vers la fin des années 90, Peter Nelson reçoit un jour un coup de téléphone d’un employé du consulat anglais aux Bahamas. « Il m’a dit qu’il venait de trouver deux Lotus ayant tourné dans un Bond. Je lui ai demandé de m’envoyer des photos et sur l’une d’elles, on pouvait voir une des coques sous-marines posée sur des parpaings dans le jardin d’une maison, repeinte en rouge".
(Voir article ci-dessus, datant de février 1991, où l'auteur n'est quant à lui pas certain que la voiture soit la version motorisée de l'Esprit sous-marine).
"Leur propriétaire possédait une sorte de décharge" poursuit Nelson, "dans laquelle se trouvait l’autre Lotus, blanche. Celle que je possède aujourd’hui. Nous sommes tombés d’accord sur un prix, pour les deux voitures, aux alentours de 10 000 dollars. Le problème, c’est que la découverte des deux Lotus s’est propagée en dehors du consulat. Très vite, un groupe de personnes appelés The Ian Fleming Fondation, eux aussi spécialisés dans la recherche de véhicules de Bond, ont débarqué aux Bahamas et sont arrivés à me griller et à acheter les deux voitures pour les rapatrier chez eux, à Chicago. J’étais très déçu.


En fait, cela faisait déjà quelques années que nous avions cette rivalité amicale. Il était déjà arrivé dans le passé que j’obtienne des véhicules qu’ils avaient repérés en premier, et vice versa. Mais là, j’étais véritablement révolté. Je suis donc allé les voir et leur ai dis : « Ecoutez, j’étais censé acheter ces voitures. Nous pourrions nous arranger ? » Très gentiment, ils ont gardé la Lotus rouge qui semblait être celle en meilleur état, et m’ont laissé l’autre, la blanche. Pour moi, c’était la meilleure des deux car c’est celle qui fut utilisée pour la conversion en sous-marin, et aussi celle qui tirait le missile sur l’hélicoptère. Ils ont restauré la leur mais j’ai décidé quant à moi de conserver la mienne en l’état, telle que je l’ai trouvée aux Bahamas. »
Sur l’état de sa découverte, Nelson poursuit : « Ce qui est intéressant, au sujet de cette voiture, c’est que tous les mécanismes sont encore présents à l’intérieur, les divers câbles et autres pièces mécaniques qui permettaient la conversion, et ce malgré tout ce temps passé dans l’eau puis dans une décharge. »


Au sujet de la restauration entreprise par la Ian Fleming Fondation, certains détails sont discutables (photo ci-dessus). Les plaques d'immatriculations n'ont pas été réalisées avec les mêmes caractères que les plaques anglaises visibles dans le film, tandis que les feux et clignotants situés dans le pare-chocs avant sont ceux montés sur les Lotus Esprit destinées au marché américain. Ce qui, bien sûr, n'était pas le cas de la Lotus de 007. Enfin, pourquoi avoir collé un logo Lotus sur le capot alors que l'Esprit de Bond (et toutes les Esprit S1 produites à cette époque) n'en possédaient pas ? Des petits détails pénibles qui rendent le choix de Peter Nelson de ne pas restaurer la sienne particulièrement judicieux. Il le confirme d'ailleurs : "La seule restauration valable ne pourrait être réalisée que par Lotus Cars. Peut-être la feront-ils un jour..."

Dans son musée, Peter Nelson possède l’une des deux Lotus Esprit utilisées pour le tournage des scènes sur route (ainsi que le side-car qui la poursuit dans la scène). La seconde a été vendue aux enchères l’année dernière et appartient à un collectionneur américain.

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