Le PIPAME* vient de publier la synthèse d'un débat qui a eu lieu en mai dernier sur le thème des mutations dans le secteur automobile, avec le soutien de la DGIS (direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services) et de la DATAR (délégation à l'aménagement du territoire). Le genre de réunion dont personne n'a entendu parler et dont les conclusions ont peu de chances de filtrer dans la presse, à part sur ce blog. Les travaux se sont appuyés sur une étude du BIPE (conseil en stratégie spécialisé dans la prévision économique) et sur les interventions d'une série d'experts**, dont certains que je connais. L’étude prospective effectuée pour le Pipame a permis de lister l’évolution de quarante variables-clés, regroupées en sept familles. Elles constituent ainsi une « boîte à outils » pour analyser l’avenir de l’automobile et définir des stratégies de long terme. L'une des idées de base est que, dans les pays développés, les comportements de mobilité évoluent sensiblement, ainsi que la « valeur » automobile. Traduction : la tendance à la croissance du nombre de véhicules-km pourrait s’inverser à plus ou moins longue échéance ; le véhicule particulier neuf n’est plus le marqueur social qu’il était il y a encore quelques années et le coût d’usage, voire le coût total, pèse de plus en plus lourd dans les décisions d’achat des individus. Conclusion : il va falloir faire bouger les lignes.
Le système automobile
Si l’on souhaite comprendre la mobilité, il faut raisonner « système automobile » et non pas seulement « filière automobile ». Face aux contraintes, chacun doit pouvoir s’organiser pour réaliser des économies d’énergie, tout en utilisant une panoplie large de véhicules et de services de mobilité. Pour ce faire, quatre leviers d’action devraient être explorés : les véhicules propres et économes bien sûr ; les politiques locales de déplacement et notamment un nouveau partage de la voirie, pour que des véhicules plus légers puissent s’insérer en toute sécurité dans le flot de la circulation ; les services d’automobiles partagés ; le développement accéléré de services numériques (embarqués ou personnalisés), qui constitueront la toile de fond et le support logistique de la mobilité de demain.
De nouveaux territoires :
- les villes et centres-villes, marqués par une préférence nette pour les transports en commun, avec un développement possible de véhicules adaptés, électrifiés ;
- le périurbain, où cohabiteront largement transports collectifs et transports individuels, ce qui supposera une gestion multimodale permettant de passer d’un mode de transport à l’autre, en utilisant les TIC. Bien sûr, il y aura place pour la voiture propre et économe. Mais on assistera également à la multiplication de transports publics circulaires et du transport à la demande ;
- le milieu rural ou rurbain, où la voiture restera le mode de référence. Dans l’interurbain cependant, un maillage intermodal est à prévoir, par exemple entre TGV et voiture, y compris en location. Le consommateur achètera de plus en plus des « briques de mobilité », considérées comme autant de solutions à son problème de déplacement quotidien ou occasionnel.
S'appuyer sur le véhicule d'entreprise
Sur 2,5 millions de véhicules – particuliers et utilitaires confondus – vendus en France chaque année, les achats des entreprises représentent près de 900 000 véhicules, dont une part importante est acquise par des loueurs de longue durée. Lorsque l’on souhaite agir sur les comportements, il ne faut pas oublier que le véhicule d’entreprise est un levier très puissant. Les entreprises sont accélératrices de changements, au moins pour un tiers du marché. Elles réfléchissent de plus en plus au mode d’équipement de leurs collaborateurs. Elles croient à la multimodalité et à la combinaison des modes de déplacement.
Les métiers du véhicule d’entreprise vont également changer : la tendance est à l’ achat de « services de mobilité », la voiture n’étant plus qu’une des composantes de l’offre de mobilité.
Le plan vert Breton
En Bretagne, une réflexion est engagée entre les acteurs économiques régionaux pour redéfinir de nouvelles chaînes de valeur autour du véhicule « décarboné » de seconde génération. Dans cette perspective, la construction d’une "plate-forme de déploiement" a été mise en place, en concertation entre l’ensemble des acteurs de la mobilité. Baptisé "Plan véhicule vert Bretagne" et porté par les collectivités locales bretonnes, le projet entend faire foisonner les initiatives, tant publiques que privées, pour faire de la Bretagne un territoire de référence en matière de véhicule et de mobilité décarbonés.
Un marché plus ouvert et différent
Le marché automobile de demain verra sans doute la cohabitation, sur une période plus ou moins longue, de plusieurs types de véhicules : des véhicules polyvalents, « classiques », proches des véhicules actuels ; des petits véhicules adaptés à la mobilité urbaine ; des véhicules low-cost, pour les clientèles des pays émergents et certaines clientèles des pays matures ; des véhicules « verts » répondant spécifiquement aux enjeux du développement durable ; des véhicules « premium » incorporant toutes les nouvelles technologies dont rêvent les conducteurs avides de nouveautés ; des véhicules intégrés dans des chaînes de mobilité, donc plutôt destinés à la location et équipés de manière à permettre la géolocalisation et la tarification selon l’usage ; enfin des véhicules destinés à la location, mais pas nécessairement intégrés dans une filière complète de mobilité.
Une révolution en marche
Il n’y a de solution que dans le cadre d’une seconde révolution automobile : là où on vendait du rêve aux ménages, il faut s’évertuer à vendre – à la fois aux ménages et aux autorités – du transport économiquement supportable par la société.
Ce qui passe par un changement prévisible dans la chaîne de valeur, dont il faut d’ores et déjà tenir compte : les constructeurs auront demain à partager le pouvoir avec d’autres opérateurs. Pour se redonner des territoires d’innovation, il va falloir ouvrir le jeu à ces nouveaux opérateurs.
Une vision commune pour l'avenir des moteurs à 10 ans
La PFA souhaite faire émerger une véritable filière française compétitive en véhicules électriques (VE) et hybrides (VEH). Ce qui suppose de lancer de la R & D sur les ruptures possibles dans les domaines des moteurs électriques ; structurer au niveau national des compétences universitaires et des laboratoires de recherche en électrotechnique et en électromagnétisme ; focaliser davantage le développement de batteries sur l’intégration de systèmes ; renforcer les initiatives de « flottes en condition d’usages » ; inscrire les efforts de la filière dans le long terme.
Le second thème prioritaire porte sur le potentiel d’amélioration des moteurs à combustion interne. La France doit soutenir la compétitivité de la filière diesel et lancer un grand programme national coordonné pour la filière essence, autour d’une logique de très petits moteurs à essence, à bas coûts.
La volonté est également d'obtenir une vision commune et lisible (bon courage, vu les différences de points de vue chez Renault et PSA).
Produire local et mondialement
La mondialisation des choix des consommateurs constitue une autre grande tendance : le consommateur chinois regarde la télévision et Internet comme nous et souhaite s’approprier le produit à la mode qui est sorti il y a trois mois. Il refuse désormais de se voir proposer la voiture introduite trois ans auparavant en Europe. Les constructeurs doivent lancer leurs modèles simultanément au Brésil, en Chine, en France, etc. Cela implique, pour les équipementiers, d’être capables d’intervenir simultanément dans toutes les régions du monde, et ce le plus rapidement possible, puisque la mode varie très vite !
Aujourd’hui, la nouvelle frontière qui sépare les équipementiers - et c’est peut-être là une chance pour la France - réside dans cette capacité à développer très vite et à des coûts acceptables, en coopération avec les constructeurs, ces nouvelles technologies.
*pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques
**Liste des experts : Olivier Paul-Dubois-Taine, Comité national des ingénieurs et scientifiques de France, président du comité Transports ; Serge Grégory, vice-président du Pôle de compétitivité Mov’eo ; Philippe Brendel, directeur de l'Observatoire du Véhicule d'Entreprise ; Jean-Luc Hannequin, Association Novincie Bretagne, délégué général de la CCI de Rennes ; Elisabeth Rocha, vice-président du BIPE ; Bernard Jullien, directeur du Gerpisa ; Thierry Faugeras, Plate-forme de la filière automobile, président du GTEC 4 (groupe de travail sur les moteurs) ; Guy Maugis, Président de Robert Bosch France ; Christophe Chabert, groupe Renault, general manager strategy & business development ; Philippe Chollet, groupe Peugeot Citroën PSA, responsable des affaires économiques et commerciales ; François Yoyotte, commissaire à la réindustrialisation du Nord – Pas-de-Calais ; Patricia Prat, conseillère à la DATAR.
Lien pour lire la synthèse complète : http://www.industrie.gouv.fr/p3e/seminaires/automobile/synthese.pdf
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