Lorsque le patrimoine italien est en danger, c’est toute une nation qui fait cause commune face à l’ogre américain. Ainsi, après avoir signé un accord de fourniture de moteur pour aider Ferrari dans l’homologation en Formule 2 de son V6 Dino, c’est au nez et à la barbe d’Henry Ford II que le rusé Enzo Ferrari revend des parts de Ferrari SPA au groupe Fiat. L’honneur est sauf: Ferrari reste italien et Enzo peut toujours diriger librement la Scuderia. Il s’en suivra alors une colère de Ford avec l’empoignade aux 24 Heures du Mans que tout le monde connaît. Sur nos routes, le résultat de ces accords est que les Fiat Dino Spider sont motorisés par des moteurs Dino-Ferrari…
Après différentes tentatives infructueuses pour Ferrari d’élargir sa gamme vers le bas (le constructeur de Maranello n’a alors dans sa gamme tourisme que des autos motorisées par des V12), il faut se résoudre à l’évidence d’un partenariat plus étroit avec d’autres constructeurs. Cela est d’autant plus vital que Ferrari souhaite homologuer son nouveau V6 Dino (dont les premières études avaient été initiées par son fils disparu, Alfredo, d’où le nom de «Dino», diminutif d’Alfredino) dont 500 exemplaires doivent équiper un véhicule de tourisme. C’est tout naturellement que toute l’industrie italienne va faire cause commune pour donner un coup de main au Commendatore, non sans arrière-pensées. Les carrossiers Bertone et Pininfarina vont être sollicités pour le design des coupés et cabriolets DIno Fiat, le constructeur de Turin se propose de produire les 500 exemplaires requis en un temps record, faisant ainsi coup double.
D’une part la gamme de Fiat pourrait profiter de haut de gamme prestigieux qui lui font alors défaut, et surtout la famille Agnelli peut envisager un début de prise de contrôle dans le capital de Ferrari SPA. L’aubaine est alors si propice pour Agnelli et le rusé Enzo Ferrari qu’Henry Ford II y laissera, si ce n’est de l’argent, au moins son orgueil blessé par le camouflet orchestré par Ferrari qui l’avait laissé lanterner pour mieux négocier avec Fiat. En 1969, Ferrari signe finalement la cession de capital avec la famille Agnelli, ce qui va déchaîner la colère du tenancier de Détroit. S’en suivra alors une empoignade en endurance entre les mythiques Ford GT 40 et suivantes et les Ferrari P4 notamment. Le point d’orgue sera évidemment la revanche de l’américain sur sa défaite économique sur les pistes des 24 Heures du Mans. Mais c’est en 1966 que Fiat va dévoiler au Salon de Turin son Spider Dino équipée du V6 du même nom de 2 litres avec bloc alu et 160 ch. Il faudra attendre 1969 pour que le V6 prenne du coffre, à l’instar des Dino 246 GT…
Style
En matière de style, les tâches ont été partagées entre Bertone et Pininfarina. Le premier s’est chargé du coupé, tandis que le second s’est acquitté de sa mission avec le Spider Dino. Dès 1965, Pininfarina réalise des premières esquisses pour cette nouvelle Fiat qui symbolisera à elle seule moult enjeux industriels. Dès cette année, le style est presque figé hormis une calandre très agressive et proche d’une Chevrolet Corvair. Puis ensuite, se sont surtout les faces avant et arrière qui seront retravaillées avec un style plus personnel. Autant le coupé Fiat Dino dessiné par Bertone est bien dans le ton de l’époque sans originalité particulière, autant le Spider affiche une personnalité affirmée. Sa calandre qui semble très basse est encadrée par deux paires de phares ronds. L’arrière tronqué propose deux plis à chaque bout d’aile évitant ainsi habilement une lourdeur de style. Ses dimensions sont très compactes avec 4,13 m de longueur offrant ainsi deux places, plus une autre en biais derrière. Mais ce n’est vraiment qu’une place de dépannage. Sur les versions 2400, de belles jantes Campagnolo sont fixées par cinq boulons et non plus par un papillon central. De nombreux détails sur la carrosserie nous ramènent à cet âge d’or de l’automobile, celui de la Dolce Vita et du Bel Canto italien. La griffe Pininfarina est apposée sur les flancs comme sur les Ferrari ! Derrière, pas de doutes possibles, avec ses quatre feux ronds, c’est bien une sportive italienne des années 60… L’habitacle offre une présentation très latine et charmeuse. Le faux bois en placage est aéré pour laisser place à un florilège de cadrans Veglia ronds destinés à donner des indications sur l’état de la mécanique. Le volant tulipé et ses branches ajourées rappelle l’esprit sportif qui anime cette brillante Fiat, tandis que la position de conduite s’avère bonne : jambes tendues et bras pliés. De nombreuses touches de chromes sont chargées de rendre cet habitacle plus cossu. A noter le levier de vitesses incliné qui tombe idéalement sous la main. Plaisir d’égoïstes, ce cabriolet offrait cependant un vrai coffre permettant d’envisager des longs trajets. La capote présente une manipulation très simple mais n’est pas un modèle d’isolation phonique en roulant.
Moteur
Si les premiers V6 de 2 litres étaient des blocs tout alu, pour son 2,4 litres, les ingénieurs sont revenus à un plus classique bloc en fonte. But avoué, avoir moins de soucis de déformation sous les contraintes thermiques. En revanche, la culasse elle reste en alu et cache une distribution très évoluée pour l’époque à 2 x 2 arbres à cames en têtes, soit deux par rangée de cylindres !
Le V6 a gagné donc en cylindrée pour offrir certes plus de puissance (180 ch au lieu de 160), mais surtout une souplesse de fonctionnement accrue notamment à bas régime. Si avec l’ancien V6 de deux litres il fallait le cravacher dans les tours pour en tirer la quintessence, le nouveau autorise de rouler plus décontracté sur un filet de gaz. Mais ses
trois double corps inversés Weber 40 DCNF auront vite fait de déclencher la tentation de votre pied droit pour le faire chanter. Car malgré son nom «d’emprunt», cette brillante mécanique a bien ses gènes à Maranello et sa sonorité est dantesque. Irrésistible ! Les performances sont à l’avenant avec 220 km/h en pointe. Autre modification d’importance sur la gamme Dino Fiat, l’adoption en même temps que le moteur 2,4 litres d’une boîte mécanique ZF à cinq rapports. Son maniement reste ferme mais précis, mais lors d’une conduite plus musclée, le double débrayage ne sera pas superflu pour, d’une part soulager les synchros et d’autre part pallier à la lenteur de la commande de boîte. Côté consommation, pas de surprises avec de tels attributs sous le capot de la Fiat Dino Spider. Comptez entre 12 et 16 litres au cent kilomètres en moyenne.
Châssis
C’est sur une coque autoporteuse que Pininfarina a sculpté les lignes du Spider Dino. Sans arceau ni renforts particuliers, la caisse avoue vite quelques limites de résistance à la torsion. Toutefois, on ne peut pas trop être exigeant avec une auto qui a près de quarante ans ! La grosse nouveauté sur la Fiat Dino Spider 2400, est son train arrière moderne qui vient remplacer l’antique essieu arrière rigide à lame. Le train arrière adopte ainsi des roues indépendantes avec bras obliques et ressorts hélicoïdaux. Cette nouvelle suspension alliée à l’autobloquant et au poids inférieur à celui du coupé (1240 kg tout de même pour le Spider) lui redonne un surcroît de sportivité et de dynamisme. Et le moteur plus velu dès les plus bas régimes lui autorise ainsi une conduite plus homogène. Homogénéité et sport sont donc les composantes marquantes de ce Spider. Les quatre freins à disques sont bien présents pour assurer leur tâche tandis que les pneumatiques en 205/70 VR 14 conservent un compromis entre sport et confort. Seul point qui date l’auto, c’est sa direction à vis et galet très lourde. A l’arrêt, tourner le volant est vite un calvaire !
En acheter une...
Avec seulement 420 exemplaires produits pour les modèles à moteur 2.4L, il faudra s’armer de patience pour trouver un vendeur. Il conviendra surtout de rester lucide et conserver son sang froid, car la difficulté de l’entretien et de la remise en état doit vous faire fuir tout exemplaire abîmé ou incomplet. N'oublions pas que nous sommes en présence d'un véhicule de collection et non d'une vulgaire voiture d'occasion. Pour des modèles en très bon état, il ne sera pas exagéré de prévoir 30.000 euros environ, voire plus. Les modèles 2 litres sont moins cotés et plus nombreux sur le marché. Avant l’achat, comme pour toute italienne des années 60-70, il faut impérativement inspecter minutieusement la carrosserie et les dessous de la belle. La corrosion y fait des ravages dans les endroits habituels (passages de roue, arrière des ailes avant et arrière, bas de caisse et bas de portes). Toujours dans les dessous, les rotules sont à surveiller. Toujours dans les parties invisibles, vérifier qu’aucun problème électrique n’est à déplorer, ce qui reste souvent un sujet de fantaisie. La mécanique est très fiable à condition de la respecter comme il se doit : laisser chauffer avant de la faire chanter, vidange avec de l’huile semi-synthèse 15 w 40 tous les 5.000 km, vérifier la tension de la chaîne tous les 30.000, le jeu de soupapes et le calage tous les 30.000 et réglage de la carburation tous les 12.000 km. A noter que peu de mécaniciens sont suffisamment compétents pour régler une telle mécanique. La boîte ZF est particulièrement fiable et doit être vidangée tous les 15 à 20.000 km avec le pont autobloquant. Lors de votre recherche pour trouver une Fiat DIno Spider, en 2 litres ou en 2,4 litres, il faudra exiger un historique limpide et respectée comme décrit plus haut. C’est très important car les spécialistes prêts à entretenir cette auto charmeuse ne sont pas nombreux et surtout les problèmes d’approvisionnement de pièces détachées sont réels. Quelques pièces existent pour les V6 Dino, en revanche, question finitions et carrosserie, c’est devenu introuvable ou presque. Rareté qui entraîne par conséquent des tarifs prohibitifs sur le marché de l’occasion. Acheter une Fiat Dino Spider 2400, même en très bon état ne doit pas être réalisé sur un coup de tête mais doit au contraire être le fruit d’un achat passion mûrement réfléchi…
Conclusiion
Avec la Fiat Dino Spider, c’est toute la Dolce Vita qui défile à travers le pare-brise. Avec en prime les enjeux industriels et politiques de l’automobile italienne des années 60. Résultat, une ligne superbe signée Pininfarina, un châssis en très net progrès sur les versions 2400 et un moteur qui comporte dans ses gênes le Cavallino Rampante. Avec seulement 420 exemplaires produits, un look unique et élégant et sa mécanique d’orfèvre, la Fiat Dino Spider est avant tout une auto d’esthètes avertis et connaisseurs des plaisirs de l’automobile italienne.
A consommer sans modération mais en toute connaissance de cause…
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