dimanche 28 octobre 2012

J'aimerais tout d'abord dire merci...

La nouvelle qui est tombée la nuit dernière - hier matin officiellement - a de quoi interpeller.
Saab chinois?

La Chine fait encore figure de l'ogre, de l'étranger dont il faut se méfier, d'une machine de guerre dont nous pourrions être victime. S'agit-il de fierté? Ou bien de lâcheté? Quand des citoyens d'un pays (la Suède) ou d'une communauté de pays (l'Europe) ne veulent plus faire les efforts financiers nécessaires pour garder une part de leur industrie, c'est que cette industrie ne les rend plus fiers, c'est que cette industrie n'a plus à faire partie de leur patrimoine. Les conséquences, il faut alors les assumer!


Si les protocoles d'accords sont menés à terme, Saab aura demain un propriétaire chinois. Tout simplement parce que les chinois ont aujourd'hui la conscience aigüe que leur développement passe par l'industrie alors que "nous" avons précisément, les européens, de plus en plus conscience - à tort peut-être, mais je ne refais pas le monde - que notre avenir ne doit plus passer par l'industrie. L'industrie suppose des conditions de travail encore aujourd'hui difficiles et la main d'oeuvre dans nos pays aisés est rare et chère et les clients capables de payer le prix "made in EU" se font eux aussi moins nombreux. De la délocalisation, nous sommes aujourd'hui passés à la décapitalisation de nos industries et le marché semble s'être déplacé là-bas aussi maintenant, nos capacités de production pour nous sont suffisantes.

... Bref, je ne vais pas faire ici un cours d'économie, car j'en serais incapable. Si j'écris ici sur ce blog depuis des mois sans avoir la certitude absolue que ma marque préférée allait pouvoir passer le cap de 2015, c'est d'abord en raison de ses produits : les voitures Saab, vous vous souvenez? :)
Et ce que je sais aujourd'hui, c'est qu'après cette vente - si elle se fait - l'avenir de Saab made in Trollhättan sera assuré au-moins jusqu'à cette date.

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 SAAB 9-5 SportCombi   Laser red NG9-5 Aero TTID

Bien sûr que c'est la technologie qui intéresse les hommes d'affaires qui veulent acheter Saab Automobile. Bien sûr aussi que ce n'est pas que la marque Saab qui a fasciné Victor Muller! Justement, c'est à lui à qui j'ai pensé paradoxalement le plus aujourd'hui. Avant de continuer sur ce qui nous préoccuppe maintenant (l'avenir de Saab), je voulais justement repenser à cet homme d'affaire qui a sauvé le constructeur suédois : Victor Muller.

Vous l'avez sans doute entendu à la radio aujourd'hui (cf. post ici), littéralement épuisé, vraiment éprouvé.
Il faut dire que ce marathon qu'aucun chef d'entreprise sensé n'aurait pu affronter comme lui, avec le peu de moyens financiers qu'il avait en propre, bravant les tonneaux de critiques injustes et personnelles déversés par la presse suédoise et holandaises en particulier, ce marathon mené tambour battant par Victor Muller s'est achevé de façon difficile pour ne pas dire terriblement dure.  Mais il l'a mené le plus loin qu'il a pu et, peut-être qu'ainsi Saab sera définitivement hors de danger financièrement parlant. Il fallait que Swan passe la main partiellement ou totalement.

Victor Muller a eu le charisme et le génie pour convaincre General Motors d'éviter de liquider Saab. Il aurait voulu relever cette marque, redorer l'icône. De fait, si Saab est nettement plus endettée aujourd'hui qu'hier, les modèles qui devaient sortir sont partiquement tous sortis, la marque s'est doté d'une plateforme technique modulable capable de générer les prochaines 9-2, 9-3, 9-4X ou 9-5. Des partenariats avec BMW, American Axle étaient sur les rails. Un concept et une nouvelle définition du design était sur les planches, etc.

Demain, si tout est bouclé comme prévu, nous savons que les finances seront au rendez-vous et ce n'est pas demain la veille que nous importerons des Saab chinoises. La marque suédoise, le design scandinave, ont encore de beaux jours devant eux, j'en suis sûr. Les chinois ne pourront pas de si tôt créer de toute pièce une Saab chinoise capable d'être exportée chez nous. Nous avons affaire à des chefs d'entreprises assis dans des fauteuils financièrement bien plus solides que Swan et qui n'ont sans doute absolument pas l'intention de casser les dynamiques positives de la société qu'ils achètent pour 100 millions "seulement" mais avec des dettes de 150 millions, un prêt non remboursé de 220 millions et les obligations convertibles de GM de plus de 230 millions d'euros...

Sans l'aide des ingénieurs, sans le marché européen pour commencer, Youngman et Pang Da ne pourront pas assurer le développement d'une industrie depuis 0 chez eux. Si le deal annoncé aujourd'hui va au bout, je vous parie que la prochaine "9-3" sera présentée à mi 2013 tout simplement parce que c'est l'intérêt le plus immédiat de Youngman et Pang Da. Ils ne pourront pas transférer du jour au lendemain la technologie chez eux et les 1000 ingénieurs Saab ne vont pas déménager en Chine. Il faudra donc du temps pour former les équipes chinoises. Et pendant ce temps, il faudra que la recherche développement continue en Suède, que l'usine tourne et le marketing bosse dur pour reconquérir les clients perdus.

Mais je ne voulais pas vous rassurer là maintenant car, pour l'instant, je reste pragmatique : rien n'est encore définitif. L'aval de GM va être difficile à obtenir. La poursuite avec BMW va poser problème peut-être aussi. Tout n'est pas joué, mais le business plan dont j'ai lu l'esquisse aujourd'hui a de quoi redonner le sourire aux financiers, en termes d'investissement jusque fin 2013 par Youngman et Pang Da, on est proche de 750 millions d'euros...

Non, ce n'est pas seulement de chiffres et des questions dont je voulais vous parler : tout ceci, toutes ces inquiétudes sur le devenir de la marque, sur l'avenir de ces superbes voitures qui attendent de revenir dans les showrooms, tous ces articles de presse tantôt bienveillants, tantôt scabreux et souvent mal informés, ces dizaines de blogs (dont Saab actu) d'enthousiastes n'existeraient, pour beaucoup, plus du tout si Victor Muller n'avait su insuffler à Saab ce second souffle et, maintenant, ce troisième souffle. On songe au management de Saab, des noms me viennent à l'esprit. Je ne les cite pas pour ne pas en oublier certains, mais je pense aussi à des gens comme Steven Wade pour qui Saab a eu des implications autant professionnelles que personnelles et dont l'avis éclairé est loin d'être celui du "petit soldat" La lecture des pensées de Tim R. de Saabsunited à propos de ce rachat de Saab m'a aussi beaucoup touché et je le rejoins complètement sur le fond.

Comme l'a redit Victor il y a peu, "nous sommes une famille". Outre la saabosphère, si vous avez déjà été à des meetings Saab, vous pouvez vous en être rendu compte en chair et en os. Les voitures, l'histoire, la culture de cette entreprise a de quoi passionner les hommes et les femmes que nous sommes, sur des chemins professionnels mais aussi avec nos vies personnelles, nos talents et nos limites.

Je ne sais pas quel sera le degré de liberté que Saab aura par rapport à ses nouveaux actionnaires, mais je sais que tant que nous garderons cet esprit de famille autour de Saab, admirant autant les nouvelles que les anciennes, c'est que la marque sera encore vivante.

Un distributeur me disait, il y a 8 jours à peine (alors que les évènements semblaient tourner au tragique):
"Si Saab va au tapis, nous devrons prendre rapidement une marque, mais si Saab revient, nous reviendrons, c'est certain."
Et bien c'est ça être une famille, c'est ça l'esprit Saab. Et si Victor Muller n'a pas pu redresser la situation financière de Saab - ce qui maintenant tout compte fait va peut être possible - je pense que Saab n'a jamais eu un patron qui ait mieux incarné cet état d'esprit. Pour cela, en ce qui me concerne, j'ai envie de lui dire un grand merci.

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