mardi 9 octobre 2012

Edito : l'agenda caché du gouvernement suédois et l'avenir de Saab

Alors que certains débatent sur Saabsunited de l'illégalité de l'action de l'actuel administrateur judiciaire de Saab, Guy Lofalk, dans le cadre du processus de Réorganisation, je me suis interrogé cette nuit sur les intentions du gouvernement suédois, des partenaires Youngman et Pang Da et des tierces parties (General Motors, la BEI, les créanciers) et enfin sur l'avenir de Saab qui n'a jamais été autant sujet à caution que maintenant.


Quand et qui?
Tout d'abord, rappelons le calendrier du processus d'approbation des candidats Youngman et Pang Da pour leur montée au capital de Swan/Saab : le 14 octobre, le NDRC (Commission nationale pour la Réforme et le Développement) chinois est censé approuver ou désapprouver le processus d'acquisition des deux sociétés chinoises. Le 14, c'est vendredi.

Rappelons ensuite, soulignons-le même - car cela n'a pas été fait suffisament - que cette augmentation de capital dans SWAN pour une proportion largement supérieure à 29.9% - et qui reste à définir compte-tenu de la chute du cours de Swan - doit également être approuvée par la Banque Européenne d'Investissement, le Bureau de la Dette suédoise, le gouvernement suédois et General Motors.
Il y a enfin les créanciers de Saab qui dans le cadre du processus de Réorganisation auront leur mot à dire in fine... Bref, cela fait beaucoup de monde à mettre d'accord, beaucoup d'intérêts qui ne sont pas nécessairement convergents dans le sens de l'avenir de Saab.


Le loup dans la bergerie
Pour l'heure, nous avons été un peu secoué en apprenant hier que l'administrateur judiciaire actuel (Guy Lofalk) de Saab semble oeuvrer pour le Ministre des Finances suédois, encourageant Youngman et Pang Da à laisser tomber Saabvoulant convaincre Geely de racheter Saab et conseillant à l'Office de la Dette suédois (NDO) de rendre le prêt exigible (encours en capital 220M€) à effet immédiat par la BEI.


Le Ministre des Finances suédois veut tirer l'addition?

Si tel était le cas, les créanciers seraient alors payés par ordre de privilèges, éventuellement un Geely pourrait racheter Saab, mais cela est loin d'être confirmé pour l'instant.

Si la BEI rendait son prêt exigible, Saab n'aurait pas les moyens, en l'état actuel des accords passés avec ses partenaires (recapitalisation de 245M€) avec Youngman et Pang Da, de payer les 220M€ de capital restant dû à la BEI. Cette hypothèse de terminaision du prêt compromettrait gravement à l'évidence la possibilité de trouver un plan de redressement dans le cadre de la Réorganisation.

Alors la question qui nous taraude : pourquoi le gouvernement suédois fait-il cela? Quelles sont ses intentions?!

Essayons de nous mettre une minute à la place du gouvernement suédois :
1  Pour sauver des emplois et un secteur industriel en déroute de mon pays, moi, gouvernement suédois je garantis début 2010 un prêt d'investissement de 400M€ accordé par la Banque Européenne d'Investissement pour financer la recherche/développement de Saab dans les technologies "vertes".
Saab a utilisé 220M€ de ce prêt pour mettre au point la 9-3 électrique, la transmission 4 routes motrices électriques (E-XWD) en partenariat avec American Axle et les motorisations TTiD < à faibles émissions de CO2.
2 Or il s'avère que Saab va être racheté pour moitié par des chinois qui vont bénéficier intégralement de ces programmes de R et D et qui vont également profiter de la R et D de la plateforme modulaire Phoenix que Saab a auto-financé (ce qui explique aussi une partie des pertes).
3 Si j'étais ministre suédois des Finances, je pourrais/devrais me poser la question suivante : dois-je continuer à garantir un prêt dont le bénéfice a toutes les chances de partir en Chine si je crois que Saab n'arrivera pas à se redresser et donc à mettre en production sa R et D? Est-ce que ma stratégie industrielle et commerciale m'encourage ou me dissuade à laisser partir cette technologie couteuse vers la Chine? Est-ce que l'on ne pourrait pas négocier avec Geely, le propriétaire chinois de Volvo, cette technologie qu'il recherche justement (la plateforme modulaire fait partie des projets d'investissement de Volvo horizon 2015), peut-être en contre-partie d'un maintien d'emploi de l'usine Volvo que Geely veut fermer?

Il y a aussi General Motors qui attend derrière le rideau. N'oublions pas que GM a vendu Saab pour 400M$ et que sur ce prix, seul 70M€ ont été payés cash et le reste est en actions préférentielles... Et pour ne prendre que cet exemple, il y a de la technologie GM dans la Saab 9-5 fabriquée à Trollhättan...

Au fond, il n'y a qu'une question qui se pose : est-ce que le gouvernement suédois pense que Saab pourra se rétablir avec Youngman et Pang Da? A cette question, il pense clairement que la réponse est non. Et il le pense depuis longtemps selon moi.

Depuis le mois de mai, j'ai acquis la conviction que le gouvernement suédois n'avait plus confiance en Swan/Victor Muller pour redresser Saab, qu'il ferait tout pour éviter que sa caution du prêt de la BEI (220M€) - sans parler de l'immense coût social qu'une faillite de Saab engendrerait - profite à un hollandais (V. Muller) - ou à un russe (Antonov) - qui vendrait " à la casse" de toute façon, une fois rendu au pied du mur, la technologie Saab à qui voudra, pour retrouver leurs investissements de départ.
Nous avons déjà assisté à la vente partielles des murs de Saab (Saab Properties) pour faire face aux frais de structures d'un constructeur qui ne produit plus depuis plus de 6 mois maintenant. 220M€ de prêt BEI, plus de 150M€ de dettes fournisseur exigibles. Est-ce que vraiment les 245M€ suffiront à faire repartir la machine?

Qu'on ne se trompe pas de combat. A tout roi, tout honneur : Victor Muller a sauvé Saab de la liquidation de la faillite en janvier 2010. A tout roi, toute responsabilité aussi : il n'y est pas arrivé et n'a pas de solution pour Saab qui soit actuellement viable aux yeux du gouvernement suédois et de bon nombre d'analystes financiers. Mais alors pourquoi Youngman et Pang Da veulent investir dans Saab?


Les intentions de Youngman et Pang Da
A ce sujet, mieux vaut se contenter de lire les communiqués officiels, car on a lu dans la presse tout et son contraire. Les 245 M€ devaient servir à la fois pour un transfert de technologie de la plateforme Phoenix, pour la constitution de Joint Venture en vue de la fabrication en Chine d'une "9-6" et d'une "9-7". Pang Da intervenait au titre de distributeur exclusif de la marque en Chine. Leur participation au capital était donc bien un investissement au départ et non une simple recapitalisation pour combler le passif de Saab...
Il semble que, selon la presse suédoise, le prix d'achat des actions de Swan soit remis en question : soit le pourcentage de participation dans Swan pourrait être revu à la hausse, soit le montant de l'investissement revu à la baisse...
Guy Lofalk a-t-il réussi à convaincre les deux partenaires à sortir du deal? Dans le contexte actuel, c'est probable mais pas certain.
A propos de Saab, les intentions de Youngman et Pang Da ont été relativement bien gardées et on peu s'interroger légitimement sur ce sujet. Leurs paroles seraient très précieuses en ce moment. Or on les entend peu à ce sujet depuis une dizaine de jours... Bizzare...


L'avenir de Saab
Et bien oui, c'est ça la question ! Et pas l'avenir de Swan, comme on pourrait le penser parfois à trop lire Saabsunited...
Ayant soulevé des questions légitimes que pourrait se poser le ministre des Finances (en résumé : à quoi bon soutenir financièrement une entreprise qui va céder ses actifs à l'étranger et dont la facture sociale va me coûter cher), je me suis enfin demandé pourquoi Guy Lofalk avait-il agi si vite et sans consulter le management de Saab?
Le processus d'acquisition de Saab à 50% par Youngman, Pang Da, nécessite des relations diplomatiques entre la Chine et la Suède. Si les gouvernements respectifs - reste à savoir qui aurait refusé le premier - s'étaient passés l'info que l'un d'eux refuserait d'approuver le deal, le Ministre des Finances informé par la "valise diplomatique" a pu très bien prendre les devants sur la date du 14 octobre sachant une issue négative (simple hypothèse de ma part ici), ce qui me paraît la seule justification possible de cet excès de zèle de Guy Lofalk, administrateur judiciaire actuel de Saab.

Est-ce que Youngman et Pang Da sont encore dans la boucle? Mesurent-ils les efforts financiers à faire pour sauver le constructeur suédois? Est-ce que Geely serait vraiment intéressé par Saab jouant les cartes de la complémentarité de technologie et de l'organisation de la concurrence ces deux anciens rivaux? Est-ce que le gouvernement suédois a un plan pour Saab autre que le plan "E" comme "exit" de Victor Muller?

La semaine qui s'ouvre est LA semaine de tous les dangers pour Saab. Croisons les doigts.

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