lundi 10 septembre 2012

Edito : Savoir reprendre de l'altitude

"D'une façon ou d'une autre, la vie la semaine prochaine ne sera plus même qu'aujourd'hui". C'est par ces mots que concluait Steven Wade un post sur Inside Saab la semaine dernière , alors que la demande de restructuration sous protection de la justice n'était pas encore rendue publique...
Cette phrase qui résonne à la fois comme une menace et comme un espoir possible, est donc toujours d'actualité pour Saab : l'appel du rejet de la demande va être déposé lundi, réponse des juges mercredi au plus tard.

La demande de restructuration est tombée en France, notamment, comme une petite bombe dans les médias de l'auto. Je remercie encore le journaliste de l'AFP qui a traduit cela par "dépôt de bilan". Ok, on peut bien admettre que la situation financière est telle que l'on serait tenté de dire cyniquement qu'ils avaient une petite longueur d'avance, c'est tout. Mais non, ce n'est PAS encore le cas et les mots dans ce genre de situation ont importance dramatique : les journalistes sont des commerçants comme les autres et le moins qu'on puisse dire, c'est que beaucoup - mais pas tous - méconnaissent (ou font semblant) le pouvoir des mots. Prenez cette vidéo du Figaro, nauséabonde, où un sombre inconnu, prend des airs bien assurés pour vous expliquer que "la fin de Saab ne changerait pas le profil du secteur" parce que notamment cette marque "peu innovante" était voué à l'échec. Peu innovante, pardon?! Comment peut-on dire une ânerie pareille? Sait-il par exemple que Saab est encore aujourd'hui un prestataire de service de GM Europe pour l'ingénerie moteurs et transmissions? Est-ce qu'il est déjà allé visiter l'usine, voir les bancs d'essai moteur, carrosserie, les souffleries, les studios de design etc etc? Le complexe d'ingénierie Saab à Trollhättan génère un savoir-faire qui est intégré bien au-delà des seuls modèles Saab. Partout on avait lu que la 9-5 NG avait comme "base technique l'Opel Insignia", l'exemple même de désinformation, puisque si ces voitures ont la même plateforme technique partagée avec Buick, elle a été élaborée principalement à Trollhättan. Qui a retravaillé les motorisations diesel au point de pouvoir sortir sur le marché la berline et le break les plus eco-performants du marché en mars dernier? C'est Saab... Effrayant ce terrorisme journalistique, passons...

On a le droit de lire depuis une semaine des commentaires véritablement crétins - je reste courtois - du genre "je vous l'avais dit, c'était couru d'avance". Comme si nous étions chacun incapables de faire un calcul de probabilité et que nous n'avions jamais perçu que cette période d'arrêt de la production pouvait être fatale, comme si nous ne savions pas que SWAN, actionnaire de Saab, avait à sa tête un homme d'affaire charismatique - le meilleur vendeur du monde selon moi - mais désargenté, comme si nous n'avions pas constaté que les suédois refusent de s'engager pour le patrimoine économique historique de leur automobile, comme si nous n'avions pas déploré le refus de laisser Vladimir Antonov entrer au capital de Saab pour 150 M€, comme si nous ne savions pas lire un bilan semestriel qui démontre que Saab avait besoin de 200M€ en 2011 de plus pour que son business plan soit véritablement économiquement viable etc.

Après tant de mois de combats du management de Saab pour tenter de trouver les crédits nécessaires pour faire repartir la production - enjeu majeur - on a vraiment envie de baisser les bras, de faire l'addition, de tirer des conclusions, de tout balancer par-dessus bord - Victor Muller et ses promesses non tenues avec...

Moi-même, je vous mentirais si je disais que cette semaine n'a pas été angoissante et si ces nouvelles - à commencer par le rapport semestriel SWAN - n'avaient pas généré un grand trouble, des questions difficiles, des remises en question aussi... Des questions du genre : "Victor Muller est-il vraiment clean? Tout ce qui se passe était-il écrit, prévu? Quelles sont les intentions de Victor Muller? Pourquoi se bat-il? Est-ce par passion de la marque uniquement ou parce qu'il veut récupérer sa mise de départ, ce qui ne sera probablement pas possible en cas de faillite? Est-ce que l'intérêt de Saab ne serait pas aujourd'hui de déposer le bilan pour être racheté par un grand groupe? Est-ce que cette hypothèse serait envisageable juridiquement? Est-ce que le businessplan de départ (janvier 2012-décembre 2012) était viable finalement? Est-ce que pour finir, quelqu'un aurait intérêt à ce que Saab meure?

Toutes ces questions, je suis certain que vous vous les posez. Et ce ne serait pas honnête de les éluder. J'ajoute que je me les pose depuis bien longtemps déjà et que dans le doute, j'en ai gardé certaines pour moi, tout simplement parce que ce blog n'a pas pour mission de présenter un plan d'affaire pour Saab, mais de parler de l'essentiel de ce constructeur qui nous passionne : les Saab. Parce que l'on ne met pas des voitures cabossées dans un showroom, parce que Saab actu est un blog sensé parler des raisons qui font que la marque Saab est unique, historique, visionnaire parfois même. Et très honnêtement, on s'en fout des chiffres financiers tant qu'on a du plaisir à rouler en Saab, d'aller voir son concessionnaire pour matter les nouvelles et choisir ses options. Mais voilà, le volet financier chez Saab est devenu si difficile depuis 2009 qu'il est impossible de le mettre de côté, car la survie de la marque est en danger et le danger est désormais à quelques semaines sinon à quelques jours seulement de nous maintenant.

Si l'on écoute le "journaliste" du Figaro, la disparition de Saab n'aurait au fond pas beaucoup d'importance. Pourtant, en 5 jours, c'est juste 10 nouveaux lecteurs inscrits sur le FB de Saab actu, le traffic a bondi de 15% avec près de 1500 pages visitées/jour, sans parler des mails de soutiens, des personnes qui viennent prendre nouvelles en "OFF". Je reçois aussi via le compte youtube des messages de soutien pour Saab :
"All gods, financial people and Mr Muller MUST save these splendit car maker"

"Saab must survive !"
Je lis sur les trois plus grands quotidiens nationaux des commentaires tels que :
"Dommage,un des seuls constructeurs qui faisaient des voitures originales. La production actuelle est d'une banalité à pleurer."


"La disparition possible de SAAB serait plus que regrettable pour tous les passionnés de l'aventure automobile, car le constructeur suédois a dans son ADN une très forte personnalité. Certes, l'absorption par GM qui l'a rendue fade et les sursauts successifs peu convaincants pour sauver la marque semblent avoir abouti à une impasse. Mais au-delà des paramètres économiques et sociaux évidemment d'importance cruciale, c'est l'image même de SAAB qu'il faut à tout prix conserver.
Je ne peux que souhaiter qu'un groupe financier ou industriel adéquat redonne à SAAB les moyens de retrouver sa créativité avec l'esprit pionnier qui était le sienl à ses débuts. Après tout, SAAB c'est un peu le Citroën des pays scandinaves. Il existe déjà bien trop de constructeurs automobiles sans âme ni tempérament pour se payer le luxe de renoncer à SAAB


quelqu'un aurait il envie de créer, de participer à, un (éco)fond souverain&citoyen européen de protection, de rachat de nos fleurons industriels, de nos dettes d'état? mi capital risque mi placement de "bon père(mère) de famille" libre à chacun d'y participer selon ses moyens ses envies,histoire de redonner confiance, envie, de recréer du lien (yc économique ET citoyen). c'est une question (pour moi)en forme de réponse, moi oui, j'ai envie .


Nos amis suédois, Saab ou Volvo, auraient mieux fait de jouer la carte européenne et de s'associer à des constructeurs Français ou Allemands. Volvo, qui fut trop fier pour accepter une alliance avec Renault il y a quelques années, doit bien le regretter.


C'est terrible cette disparition systématique des industries européennes. Et ne nous y trompons pas, pour l'automobile, cela ne va pas s'arrêter là.


je vous rejoins entièrement, d'autant plus que, dans le cas present, saab est un vrai groupe industriel avec un réel savoir faire, une réelle identité, un peu "hors du temps". mais il faut croire que nos concitoyens, français eeuropéens, s'en foutent majoritairement "comme de l'an quarante" assoupis qu'ils sont; le réveil risque d'être rude. un seul mot:dramatique. un peu de patriotisme économique me semble bon surtout lorsqu'il n'est pas dirigé par la haine de l'autre mais par la volonté de construire

Face à cette tornade, d'un côté les fossoyeurs, de l'autre les passionnés et les professionnels effrayés, j'ai pu être tenté de devenir vindicatif, moi aussi... Hier, journée au boulot de fou et pourtant j'ai trouvé une heure pour appeler un "Monsieur Saab" dont l'expérience et les contacts m'ont été très éclairants sur la situation actuelle. J'ai également pu prendre la température en concession... A la fin de cette journée, je voyais les choses différement, j'ai pu prendre de la hauteur, chose absolumment nécessaire quand on commence à paniquer. Je voudrais d'ailleurs vivement remercier ces personnes - qui me lisent aussi - pour leur éclairage sincère. Au-delà de cela, j'ai été très impressionné par leur loyauté à la marque. Au-delà de l'aspect financier, et ils souffrent de ce point de vue aussi avec Saab, je remarque qu'il n'y a pas qu'à Trollhättan que les employés sont attachés et dévoués à la marque. Ici en France aussi, vous trouverez des vendeurs, des directeurs commerciaux, des pdg de concessions, des cadres de Saab France qui ont complètement le virus Saab dans le sang. Et là, on se dit qu'avec eux, avec leur talent, avec le nombre de passionnés par la marque dans le monde, ce n'est PAS POSSIBLE que Saab disparaisse. Ce n'est tout simplement pas cohérent.

Prendre de la hauteur ne veut pas dire encore une fois éluder les problèmes et fuir les questions. Je tâcherai d'y répondre dans d'autres posts ce week-end, sans faux-semblants, mais avec du recul, avec tact, avec intelligence, autrement dit en un mot avec saabisme. (à suivre...)

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire